Volume 09 Issue 2, Été 2018 Published June 1, 2018 Air & Space Power Journal - Afrique et Francophonie, Air University, Maxwell AFB, AL Choix de l’éditeur L’intervention militaire en Afrique ; Leadership d’un nouveau genre ; Repenser la démocratie libérale ; Le lien entre crime et conflit et la guerre civile en Syrie ; Inverser le paradigme de stabilisation ; et Prescription pour un éventail complet et finançable d’une politique de défense Rémy Mauduit Fidèle à sa tradition, Air and Space Power Journal, Afrique et Francophonie (ASPJ–A&F) aborde dans ce numéro divers thèmes pertinents à notre temps et à nos lecteurs dans 185 pays. Articles L’intervention militaire en Afrique Analyse comparée de la France et des États-Unis Stephen Burgess, PhD Les intérêts en jeu, le niveau de ressources et la culture stratégique sont autant de facteurs expliquant les écarts et les analogies entre les opérations militaires françaises et américaines en Afrique, affirme professeur Stephen Burgess cet article. Si la confrontation exige de porter un regard tant constructiviste que réaliste sur la question, cet article montre que la culture stratégique, l’attitude face au risque et les sphères d’influence distinctes offrent une lecture plus perspicace des différentes stratégies interventionnistes françaises et américaines sur le continent africain. La doctrine Powell, la répugnance à l’idée de dénombrer des morts dans leurs rangs et l’aversion au risque expliquent pourquoi les États Unis sont moins disposés à conduire une intervention militaire directe en Afrique ; d’autant plus que leurs intérêts y sont moins élevés qu’en Asie du Sud-Ouest. La différence tient également à la culture organisationnelle de chaque pays : celle des forces américaines est ancrée dans la victoire, tandis que l’armée française est habituée à des bilans mitigés. Le pré-positionnement des forces françaises au nord-ouest de l’Afrique augmente les chances de leur déploiement dans le cadre d’une opération. A contrario, le stationnement des forces armées américaines à Djibouti n’a pas été suivi d’une intervention militaire directe en Somalie, alors même que la capitale et le pays étaient sur le point de tomber entre les mains d’extrémistes violents. Néanmoins, le recours accru aux forces spéciales américaines en Somalie et dans l’Afrique du Nord-Ouest a marqué le début d’une convergence avec la posture militaire française. Leadership d’un nouveau genre Comment la crise ukrainienne et l’annexion de la Crimée ont-elles renforcé le rôle de l’Allemagne comme chef de file de la politique étrangère de l’UE ? Wolfgang Koeth Wolfgang Koeth constate que le chapelet de crises existentielles qui ont agité l’Europe ces dernières années (crise de l’Euro, agression de l’Ukraine par la Russie et crise des réfugiés de 2015) a insufflé une nouvelle dynamique à l’Union européenne. À Bruxelles, l’Allemagne s’est imposée comme le meneur quasi incontesté du processus décisionnel. C’est notamment lors de la crise en Ukraine et de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 que l’Allemagne a affirmé sa position de leader en matière de politique étrangère européenne, une posture qu’elle avait esquivée jusque-là. Or, pour Berlin, endosser ce nouveau costume est loin d’être une évidence. Ce n’est que progressivement que l’Allemagne s’est faite à ce rôle élargi, davantage en raison de circonstances extérieures que de l’image qu’elle offre à l’étranger. Du reste, le sentiment encore prégnant de culpabilité face à l’Histoire et la crainte d’être perçue comme une puissance dominante ont jusqu’à présent empêché l’Allemagne d’occuper le devant de la scène, préférant agir en sous-main et se présenter comme « agent de facilitation en chef ». L’auteur analyse la façon dont l’Allemagne, en particulier lors de la crise en Ukraine qui a débuté en 2014, s’est érigée, avec réticence certes, comme le chef de file des décisions européennes en matière de Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et s’est retrouvée de facto à la tête de la définition de la réponse européenne à la Russie. L’article souligne les conséquences intérieures et extérieures de ce nouveau rôle et, notamment, son impact sur les pays baltes. Repenser la démocratie libérale Prélude au totalitarisme Isabel David, PhD Fruit d’un long processus d’évolution humaine et d’expérimentation politique, la démocratie libérale s’est posée, notamment au terme des événements de 1989, comme le meilleur système politique : c’est ce qu’affirme Isabel David dans cet article. Ainsi, « nous semblons avoir trouvé le seul système compatible avec la liberté, après les terribles expériences du totalitarisme communiste et nazi et de son sosie dans la sphère économique, le capitalisme », ajoute-t-elle. Serait-ce à dire que le libéralisme est propice à la liberté ? Le totalitarisme procéderait d’une combinaison des visions platonicienne et augustinienne que sont l’ignorance des valeurs et la poursuite de ses propres désirs égotistes. Le mal est de nature essentiellement privée. En ce sens, le totalitarisme pourrait naître d’une culture utilitaire qui envisage les hommes, ou certaines formes de connaissance, comme des objets inutiles et jetables. Le lien entre crime et conflit et la guerre civile en Syrie Christina Steenkamp, PhD Christina Steenkamp affirme qu’il existe un lien étroit entre la criminalité organisée et la guerre civile. Dans un article complétant la littérature sur le lien entre crime et conflit, l’auteur examine le rôle du crime organisé dans le cadre du conflit syrien. Elle brosse à grands traits le crime organisé en Syrie avant et après la guerre. Puis l’auteur explique que la guerre ouvre la voie au crime organisé à la faveur d’une capacité affaiblie de l’état à faire respecter les lois, des difficultés économiques mettant à mal la population et d’une myriade de groupes armés en quête de financement. L’auteur avance ensuite que le crime organisé influe sur l’intensité et la durée de la guerre en permettant aux insurgés de se renouveler d’un point de vue matériel et d’instaurer des institutions au sein des communautés où ils évoluent. Les relations entre groupes armés et populations locales se révèlent ainsi être au coeur du lien entre crime et conflit. Inverser le paradigme de stabilisation Fondements d’une autre approche Mark Knight Mark Knight examine le débat entourant le concept de stabilisation. Il fait la lumière sur un paradigme basé sur le principe de la « paix libérale », associant démocratie et marché libre selon sa définition minimale. Ce modèle suggère que si la paix libérale est promue au niveau sousnational par des opérations de stabilisation, alors le résultat attendu est la stabilité. Or selon certaines critiques de la stabilisation, la paix libérale serait un objectif inatteignable annihilant tout espoir de stabilité. Prenant le contre-pied de cette vision, l’auteur explique que la stabilité est un objectif hors de portée qui anéantit l’aboutissement à un état de type démocratie libérale. Ainsi, le résultat du processus de stabilisation devient la protection et la jouissance des droits de l’homme, bien plus que la stabilité en elle-même. En fin de compte, le concept de stabilisation peut être entendu comme un ensemble d’actions politiques soutenant une issue idéologique. Cette vision de la stabilisation est compatible avec les engagements pris à l’échelle internationale à l’appui des processus de transition nationale et peut en outre s’appliquer à des modes variés de domination, allant du consentement à la coercition, conclut M. Knight. Prescription pour un éventail complet et finançable d’une politique de défense Jan P. Muczyk, PhD Le professeur Jan Muczyk affirme que, en tant que nation indispensable, les États-Unis doivent poursuivre une politique de défense recouvrant un spectre complet d’activités. Cela suppose l’allocation d’une enveloppe budgétaire importante en concurrence avec les crédits alloués aux affaires intérieures de premier plan. Le département américain de la Défense doit donc imaginer une stratégie de défense qui puisse être déployée à un coût raisonné s’il ne veut pas être désavantagé au profit d’exigences nationales autrement plus prioritaires. En se basant sur les enseignements tirés des expériences passées (guerres, courses à l’armement), l’auteur formule des propositions solides de financement d’une telle politique. Télécharger la revue